Le film, « Rwanda Fungi » retrace les différentes étapes de la mission menée par le Jardin botanique Meise au Rwanda du 13 avril au 4 mai 2015.
mercredi 9 novembre 2016
dimanche 3 mai 2015
La ferme aux champignons
Laurent Demuynck, directeur de Kigali Farms |
La
partie scientifique de la mission touche à sa fin. Le moment est
venu de transférer chez Kigali Farms les boites de Petri contenant
les souches inoculées des champignons comestibles (voir « sporée
et inoculation »). C'est à partir de ces souches sauvages que
Kigali Farms réalise en grandeur nature les tests de mise en culture
et de développement des souches jusqu'à la production de
champignons.
Nous
avons rendez-vous à
Kigali avec
Laurent Demuynck, le
fondateur-directeur
de l'entreprise. Il nous présente
les missions de son entreprise et
son implication dans le
projet : « Kigali
Farms est une entreprise sociale qui a démarré au
Rwanda en 2010 dans
l'idée d'apporter une solution business au problème de la
malnutrition. Nous
nous consacrons
aux champignons car
ils ont de
grandes qualités nutritionnelles et
avons un intérêt
particulier pour les espèces
sauvages comestibles
qui n'ont
jamais été étudiées
au Rwanda. Notre
ambition est de trouver la « perle
rare » des
forêts
rwandaises que
la population locale consomme et
de transformer le
Rwanda en centre d'excellence pour l'exploitation des champignons
dans toute la région. »
Direction
ensuite le
centre de production
de Byumba
où nous sommes
accueillis
par
Ariane
Mukeshimana (Manager of Production and Quality) et Pélagie
Nyirandikumana
(Byumba
Farm Manager)
qui
nous font découvrir les différentes étapes de production à partir
des souches sauvages récoltées par nos mycologues. Suivez le
guide...
Première
étape : multiplication du mycélium
Un
fragment de mycélium des souches sauvages est prélevé et transféré
dans une nouvelle boite de Petri contenant de l'agar-agar et un
milieu de culture approprié. Ce travail se fait dans des conditions
stériles et selon un protocole précis. Le mycélium va ainsi
pouvoir se développer.
Deuxième
étape : production du « blanc de champignon »
Un
fragment d'agar et de mycelium est transféré de la boite de Petri
dans un milieu à base de céréales moulues. Le mycélium y poursuit
son développement pour aboutir à ce qu'on appelle « le
blanc ».
Troisième
étape : inoculation du « blanc » dans des sacs de
culture
Le
« blanc » est ensuite inoculé dans des sacs (appelés
« tubes » dans le jargon de l'entreprise) préalablement
pasteurisés. Ces tubes sont composés de brisures de coton, de son
de blé et de chaux éteinte. Ce nouveau milieu est à la fois
favorable au développement du mycélium et à la fructification du
champignon.
Les
tubes inoculés sont entreposés à l'obscurité dans des chambres
d'incubation en attendant de les faire fructifier (l'obscurité
empêche la fructification du mycélium).
Cinquième
étape : les tubes sont enterrés
Les
tubes sont enfin transférés dans des bacs de fructification
contenant de la terre en maintenant une humidité constante de 95 %
et une température de 18-22°C. Ces tubes fructifient et produisent des
champignons (ici, de classiques pleurotes de culture).
A l'heure où nous écrivons ces lignes, il est trop tôt pour obtenir et présenter des résultats à partir de nos souches sauvages. A suivre...
A l'heure où nous écrivons ces lignes, il est trop tôt pour obtenir et présenter des résultats à partir de nos souches sauvages. A suivre...
samedi 2 mai 2015
Au camp de base
La
récolte des champignons comestibles dans les forêts de montagne
n'est que la première étape du travail de nos mycologues. De retour
au « camp de base », la journée est loin d'être
terminée…
Chaque
échantillon récolté comporte généralement plusieurs champignons
issus du même mycélium. On y associe un numéro, une fiche
descriptive, des photos prises sur le terrain et une « photo
technique ». Ensuite, chaque échantillon subit plusieurs
traitements avec trois finalités :
1. Sporée
et inoculation
|
|
Le
chapeau d'un exemplaire est posé sur un support afin de recueillir
les spores. C'est ce qu'on appelle « faire une sporée »
dans le jargon mycologique. Le lendemain, des spores sont récoltées
et inoculées dans une boite de Petri contenant un milieu de culture
(agar-agar). Après quelques jours, du mycélium se sera développé
dans la boite de Petri et sera mis ultérieurement en culture chez
Kigali Farms.
2. Souches vivantes et échantillons d'ADN
Fragment de champignon dans un tube pour analyse ADN |
Un
fragment de quelques mm³ de l'échantillon est déposé dans un
petit tube contenant du CTAB,
une substance qui bloque la
dégradation de l'ADN des
cellules. Une fois de
retour en Belgique, les tubes vont enrichir les collections de matériel génétique du Jardin botanique Meise tandis que les souches vivantes iront à la « mycothèque » de
l'UCL, une
collection fédérale de
quelque 30000
souches vivantes
de champignons provenant
du monde entier. Ces souches peuvent ultérieurement être utilisées pour des cultures et les tubes faire l'objet d'analyses génétiques,
par exemple dans le cadre de
recherches taxonomiques.
3. Collections
du Jardin botanique
Echantillon séché pour les collections |
Le
reste de l'échantillon sera séché, conservé
dans un sachet hermétiquement
fermé, et déposé chez RDB avec un double dans les
collections du Jardin botanique Meise, accompagné de la fiche
descriptive, des photos de terrain, de la photo technique et d'un
échantillon de spores issus de la sporée.
L'examen des spores sous
microscope est souvent une
étape nécessaire pour
confirmer ou affiner l'identification d'une
espèce.
Une
journée de mission débutée à l'aube se termine rarement avant
19h00…
jeudi 30 avril 2015
Surprises sous les bambous
Le Volcan Sabyinyo |
Les
forêts de feuillus au pied du volcan Bisoke nous ont fait découvrir
une grande diversité de champignons. Qu'en est-il des forêts de
bambous ? Pour répondre à cette question, l'équipe scientifique a
prospecté le pied de trois volcans (Sabyinyo,
Gahinga, Karisimbi) qui comportent de belles populations
naturelles de cette herbe géante.
Un
nouveau guide local nous accompagne. Il s'appelle Damascène (comme
celui de Gishwati) et en connaît un bout sur la forêt. Rien
d'étonnant : il y a vécu 18 ans avant d'en sortir il y a une
vingtaine d'années.
Direction,
d'abord, le Volcan Sabyinyo. De nombreux sentiers se croisent
sous les bambous. Ils sont parsemés d'empreintes d'ongulés. Des
buffles, nous précise Raymond. Et ils semblent nombreux vu la
quantité de traces et de bouses qui les jalonnent.
Les
champignons comestibles sont au rendez-vous. Damascène ne connaît
pas leur nom local mais nous détermine sans équivoque ceux qu'il a
déjà mangés. En réalité, nous constaterons qu'il mange à peu
près tout… ce qui peut être consommé. Loin d'être de bons
comestibles, ce sont probablement des champignons non toxiques que
les mycologues qualifient volontiers de « comestibles médiocres
ou sans intérêt ». Mais lorsque Damascènne vivait en forêt,
il n'était probablement pas question de faire la fine bouche…
«Ce
qui frappe, constate Jérôme,
c'est le
nombre de champignons qui utilisent le bambou comme support. Mais
leur diversité est néanmoins
faible : tout
au plus quelques marasmes et collybies. Et très
peu d'espèces de champignons poussent sur
la litière constituée des feuilles de bambous ».
Mais
si la diversité spécifique
est faible, les bambouseraies
hébergent toutefois
quelques originalités.
Première
surprise :
deux espèces d'armillaires
poussent
sur les bambous des trois volcans
: l'armillaire couleur de miel (Armillaria
mellea), bien connue de
nos forêts européennes et l'Armillaria
heimii.
Collybie dorée (Collybia aurea) |
Plus
étonnant, dans les
bambouseraies
du Karisimbi
nos mycologues ont récolté coup sur
coup deux
autres
espèces
: la
collybie dorée (Collybia
aurea), champignon comestible jaune
orangé très
apprécié au Burundi voisin et
un exemplaire de
Termitomyces robustus,
le
fameux
champignon qui
vit en symbiose avec des termites.
«La
présence de ces espèces comestibles
sous les bambous
des forêts de montagne est
pour le moins singulière.
C'est
réellement une
des grandes surprises de notre mission !»,
précise
avec satisfaction notre
mycologue.
mardi 28 avril 2015
Mycologues dans la brume
Les
champignons appartiennent aux mycologues qui se lèvent tôt... Il
est 7h00… Direction
l'entrée
du Parc des
Volcans, à Kinigi, où nous
avons rendez-vous
avec Raymond, un
garde qui nous accompagnera
toute cette semaine dans nos
pérégrinations mycologiques
sur
les volcans.
Nous ne sommes pas seuls au
centre d'accueil du Parc,
une armada de 4x4 et de touristes sont en partance pour réaliser
leur rêve : approcher
le gorille des montagnes !
Parmi
les Lobélies
Pleurotus
cystidiosus
|
Le
volcan
Bisoke ou Visoke
(3711 m), couvert de brume,
sera notre
première destination.
Une poignée de
militaires nous attendent
à son pied ; ils
seront nos anges gardiens
durant notre
ascension en raison de la
présence de buffles, nous
affirment-ils. Nous progressons
péniblement parmi les Lobelia
tant le
sentier est rendu
spongieux et boueux
par la présence de sources et de suintements.
Les arbres
sont majestueux,
couverts de mousses et de lichens… mais aussi de champignons !
Parmi ceux-ci, une belle
diversité de comestibles… dont
une nouvelle espèce de pleurote pour notre mission (Pleurotus
cystidiosus).
Comme d'autres, sa culture sera
testée chez Kigali Farms.
Raymond
marque un très grand intérêt pour
notre mission et les
champignons sauvages. Il connaît la comestibilité de certains mais
regrette ne pas en savoir
plus. « Cela
tombe bien, explique Jérôme,
car dans
le cadre du projet, nous allons réaliser pour
les gardes des Parcs un
guide illustré des champignons comestibles des forêts de
montagne. »
La
récolte est bonne. Une
20aine
d'espèces différentes grossiront
le panier de nos mycologues dont
une
Agaricale
indéterminée
de couleur
verdâtre. « Peut-être une espèce nouvelle pour la
science, mais cela devra être confirmé de retour de mission »,
poursuit notre scientifique.
Sur
les traces de Dian Fossey
Après
quelques heures d'une marche
alourdie
par la boue, nous atteignons
les
vestiges du campement de Dian
Fossey, assassinée en 1985. « Nyiramachabelli », la
« solitaire de la forêt » repose ici aux côtés de
Digit, un de ses gorilles préférés.
L'après-midi
est bien
entamé. Il est temps de redescendre
et de retourner au « camp de base » où se poursuivra le
travail de nos scientifiques.
En chemin,
nos pas croisent une trace
fraîche de
gorille. On
se prend à rêver...
dimanche 26 avril 2015
Destination Volcans
Après Bweyeye et Gishwati,
voici déjà la troisième étape de notre mission : le Parc
national des Volcans. Ce Parc
situé au nord du Rwanda, le
long de la frontière avec la République Démocratique du Congo et
l'Ouganda a été créé en
1925 (alors Parc Albert) afin de sauver
les derniers gorilles
de montagne (Gorilla gorilla
beringei).
Depuis
sa création, il
n'a cessé d'être grignoté
de toute part par
les agriculteurs et les éleveurs mais aussi, à plusieurs reprises
jusqu'en 1979, par l’État pour faire face à une démographie
galopante et permettre la culture du pyrèthre.
Ainsi, des
34.000 hectares présents
en
1960, le
Parc actuel ne couvre
plus, aujourd'hui,
que
16.000 hectares qui sont
fermement protégés
par l’État rwandais.
Le Karisimbi (4507 m), le plus haut sommet du Parc des Volcans |
C'est
sur les
flancs de
ces volcans que nous
poursuivrons,
ces prochains jours,
l'inventaire des champignons
comestibles des forêts de montagne du
Rwanda. Gare aux gorilles...
samedi 25 avril 2015
Ethnomycologie à Gishwati
La
route est longue depuis notre pied à terre à Nyundo, près d'une
heure et demie de piste défoncée pour atteindre les portes de la
forêt de Gishwati. Partout où se porte le regard s'affiche la
fierté de la région : le thé, l'un des plus réputés du
Rwanda à en croire un panneau publicitaire...
Ce
matin, nous avons rendez-vous
avec Charles et Martin,
deux Rwandais
d'origine Batwa qui seront nos
guides durant deux jours. Ils connaissent bien la forêt de Gishwati,
et pour cause : jusqu'en 1985 environ, nous explique Charles,
lui et les siens
vivaient sous sa canopée. Depuis, ils ont été forcés
de la quitter
pour rejoindre des villages et ce qu'il reste de
leur habitat originel est
devenu un sanctuaire protégé dont
l'accès leur est à présent
interdit…
Les champignons font-ils encore
partie de leur savoir traditionnel ? Les
consomment-ils et comment les dénomment-ils ?
C'est ce que nous avons tenté
de savoir…
Pour pénétrer dans la forêt, nous empruntons l'un des sentiers étroits, sous le chant assourdissant des cigales et de quelques oiseaux exotiques. Au loin, des cris de chimpanzés ponctuent de temps à autre notre avancée.... Après quelques minutes, un premier champignon : des oreilles de Judas (Auricularia cornea et A. delicata), que nos guides appellent 'Ikinyagutwi' en kinyarwanda. S'ils connaissent ce champignon, étonnamment, ils ne le consomment pas alors qu'il est
un mets
très apprécié ailleurs en
Afrique centrale. Le temps de faire quelques
photos et de prélever quelques
échantillons,
nous poursuivons le chemin. De
temps en temps, la machette de nos guides intervient
pour contrer l'exubérance végétale.
Plus loin, un agaric (Agaricus
cf. bingensis). Comestible
réputé en
Ouganda,
ici, ce
champignon n'est pas consommé
du fait d'une croyance qui
voudrait qu'on
deviendrait sourd en le
consommant. Sa dénomination
locale est sans équivoque :
'Ikizibamatwi'
qui signifie « bouche l'oreille » !
Pour pénétrer dans la forêt, nous empruntons l'un des sentiers étroits, sous le chant assourdissant des cigales et de quelques oiseaux exotiques. Au loin, des cris de chimpanzés ponctuent de temps à autre notre avancée.... Après quelques minutes, un premier champignon : des oreilles de Judas (Auricularia cornea et A. delicata), que nos guides appellent 'Ikinyagutwi' en kinyarwanda. S'ils connaissent ce champignon, étonnamment, ils ne le consomment pas alors qu'il est
Auricularia cornea |
Au fil de notre progression, nos guides nous font découvrir une vingtaine d'autres espèces qu'ils consomment, toutes dénommées 'Ubuzuruzuru', probablement un nom générique pour distinguer les comestibles. Parmi ces derniers, une trouvaille intéressante, un pleurote (Pleurotus djamor) qui ira rejoindre les autres espèces de champignons sauvages mises en culture chez Kigali Farms.
Si cette connaissance des champignons est encore vive chez Charles et Martin, ce n'est plus le cas chez les plus jeunes qui n'ont jamais connu la vie en forêt. En brisant le contact ancestral qu'ils avaient avec le milieu et en ne leur permettant plus d'utiliser ces ressources, nul doute que ces informations disparaîtront en l'espace de quelques générations seulement. L'ethnomycologie fait partie intégrante de notre mission scientifique et du travail mené par le Jardin botanique Meise en Afrique : identifier les espèces consommées, noter leur nom local, lister leurs utilisations éventuelles... Avant que ce savoir ne disparaisse à jamais…
jeudi 23 avril 2015
La Forêt de Gishwati
L'équipe scientifique est renouvelée par Gudula, une jeune rwandaise qui remplace Assoumpta pour le reste du séjour. Après les amanites de Bweyeye, l'étude des champignons de la Forêt de Gishwati, en particulier des champignons comestibles, marque la deuxième étape de cette mission.
La superficie actuelle de cette forêt n'est malheureusement plus qu'un mouchoir de poche, à peine 1500 hectares contre 28.000 en 1970 ! La perte est énorme… En cause, l'agriculture, le pâturage libre du bétail, la réinstallation des réfugiés après le génocide, la plantation d'arbres non indigènes… Avec des conséquences importantes sur l'environnement : érosion, diminution de la fertilité des sols, etc… Les pertes en terme de biodiversité sont probablement immenses aussi mais, faute d'études sur les organismes de la réserve, elles ne sont pas documentées. Ce qui est certain, c'est que les quelques chimpanzés et singes dorés encore présents doivent se sentir très à l'étroit… Une lueur d'espoir existe toutefois à travers un projet de corridor forestier réunissant la forêt à celle du Parc de Nyungwe. Si cet ambitieux projet devait se réaliser, il viendrait désenclaver la forêt de Gishwati…
C'est dans ce contexte a priori peu favorable que notre équipe va travailler ces prochains jours. La diversité mycologique sera-t-elle au rendez-vous et aussi riche que celle des forêts de montagne de Nyungwe et des Volcans ? L'avenir nous le dira...
Forêt de Gishwati
|
La superficie actuelle de cette forêt n'est malheureusement plus qu'un mouchoir de poche, à peine 1500 hectares contre 28.000 en 1970 ! La perte est énorme… En cause, l'agriculture, le pâturage libre du bétail, la réinstallation des réfugiés après le génocide, la plantation d'arbres non indigènes… Avec des conséquences importantes sur l'environnement : érosion, diminution de la fertilité des sols, etc… Les pertes en terme de biodiversité sont probablement immenses aussi mais, faute d'études sur les organismes de la réserve, elles ne sont pas documentées. Ce qui est certain, c'est que les quelques chimpanzés et singes dorés encore présents doivent se sentir très à l'étroit… Une lueur d'espoir existe toutefois à travers un projet de corridor forestier réunissant la forêt à celle du Parc de Nyungwe. Si cet ambitieux projet devait se réaliser, il viendrait désenclaver la forêt de Gishwati…
C'est dans ce contexte a priori peu favorable que notre équipe va travailler ces prochains jours. La diversité mycologique sera-t-elle au rendez-vous et aussi riche que celle des forêts de montagne de Nyungwe et des Volcans ? L'avenir nous le dira...
Coucher de soleil sur le Lac Kivu |
mardi 21 avril 2015
En route vers Gishwati
Journée
de transition... La Jeep nous emmène vers la réserve forestière de
Gishwati qui surplombe le Lac Kivu à quelques encablures de la ville
de Gisenyi. C'est dans cette première forêt de montagne de près de
1500 hectares que l'équipe scientifique crapahutera les prochains
jours à la recherche de champignons comestibles susceptibles d'être
cultivés par notre partenaire Kigali Farms.
En
route, la 4x4 stoppe net. « Des Termitomyces robustus»,
s'écrie Jérôme. Une jeune fille en vend deux belles poignées au
bord de la route. Ce champignon comestible, réputé dans toute
l'Afrique centrale, ne figure pas au programme de cette mission
scientifique. Et pour cause, il est peu probable qu'on puisse un jour
arriver à le cultiver !
La
raison est simple : les Termitomyces poussent sur les
termitières, en symbiose avec les termites. Leur relation est du
type « win-win » : en cultivant le mycélium à
l'intérieur de la termitière les insectes sont aidés dans leur
mécanisme de digestion du bois par ce mycélium. Cela signifie que
si nous voulons un jour pouvoir cultiver le champignon, il faudrait
aussi arriver à « domestiquer » ou «élever » les
termites qui sont indispensables au développement du mycélium. Et
là, on en est très loin… Voilà pourquoi la mission scientifique
se concentre surtout sur la recherche de champignons comestibles
saprotrophes (comme le pleurote), dont la culture du mycélium est
plus facile à mettre en œuvre… comme vous pourrez le découvrir
dans un prochain reportage consacré à « la Ferme aux
champignons ».
vendredi 17 avril 2015
Retour à Bweyeye
Ce
matin, nous réempruntons la piste de Bweyeye, deux heures de
cahotements en jeep à travers la Forêt de Nyungwe pour retrouver
Danasen, notre guide local de la veille. Nous lui avons confié la
mission de nous trouver un beau lot d'amanites pour les besoins des
études toxicologiques qui seront menées ultérieurement. Nous
sommes confiants sur les récoltes à venir étant donné la présence, déjà, de quatre
exemplaires la veille...
En remontant le village, apparaît Damascène, un panier à moitié rempli de champignons. Un coup d’œil rapide de notre mycologue confirme que ce sont bien les amanites recherchées et leur nombre est suffisant, une belle quinzaine d'individus !
Satisfait, notre mycologue Jérôme décide de partir arpenter les collines avoisinantes à la recherche d'autres espèces en laissant le soin à Assoumpta de poursuivre l'enquête sur la comestibilité de l'amanite. Il est en effet essentiel de croiser les témoignages…
Satisfait, notre mycologue Jérôme décide de partir arpenter les collines avoisinantes à la recherche d'autres espèces en laissant le soin à Assoumpta de poursuivre l'enquête sur la comestibilité de l'amanite. Il est en effet essentiel de croiser les témoignages…
Louise confirme les premiers témoignages : la peau (cuticule) du chapeau est retirée. Une fois le champignon épluché, sa chair est coupée en morceaux et cuite dans l'eau, accompagnée d'autres légumes (tomates, oignons...). Assoumpta questionne Louise sur le but poursuivi par cet épluchement, s'il s'agit d'éviter la présence de poisons contenus dans la cuticule ou pour d'autres raisons. Elle nous explique que c'est parce que la peau est gluante mais non à cause d'une toxicité. D'autres témoignages recueillis par Assoumpta parlent, par contre, d'une telle toxicité, notamment une famille de 4 personnes qui serait décédée en mangeant des champignons mais rien ne prouve ici que c'est bien l'amanite qui en est la cause. La seule chose certaine, finalement, est qu'ils retirent la cuticule avant de cuire le champignon !
A ce stade, nous pouvons formuler trois hypothèses sur la non toxicité de cette amanite qui appartient pourtant au groupe "phalloides / marmorata" dont les taxons connus sont réputés ou décrits comme mortels :
- Les habitants seraient « immunisés », leur corps pouvant dégrader les toxines contenues dans le champignon.
- Les toxines seraient contenues dans la cuticule uniquement, le reste du champignon étant comestible.
- Cette amanite serait entièrement comestible.
Si le mystère de l'amanite n'est pas résolu, les témoignages recueillis permettent néanmoins d'affiner le protocole de recherche : les amanites seront séparées en deux lots, l'un comportant le chapeau en entier, l'autre le chapeau sans sa cuticule. Ces deux lots seront coupés et séchés séparément en vue d'une analyse toxicologique distincte prévue de retour de mission…
Le mystère de l'amanite de Bweyeye
Cercopithecus l'hoesti |
Aujourd'hui
nous avons rendez-vous à Bweyeye, un village situé en bordure du
Parc National de Nyungwe (970 km²), au sud-ouest du Rwanda, à la
frontière du Burundi, non loin du Lac Kivu. La
Forêt de montagne du Nyungwe est probablement l'une des mieux
préservées d'Afrique centrale avec une faune et une flore
exceptionnellement riches : près de 13 espèces de primates, 32
d'amphibiens, 38 de reptiles, un millier de plantes… La flore
mycologique y est par contre largement méconnue, comme dans la
plupart des régions et pays avoisinants, ce qui justifie
l'organisation de missions scientifiques, comme celle-ci qui vise en
particulier à mieux connaître les champignons comestibles.
Rendez-vous
en terre Batwa
Après
deux heures de pistes chaotiques à travers la Forêt du Nyungwe,
nous arrivons à Bweyeye. Une partie du village est peuplée d'habitants d'origine Batwa, à l'origine des chasseurs-cueilleurs qui
vivaient dans la forêt. Jean-Marie, un garde qui avait déjà participé
à la précédente mission scientifique, en octobre dernier, nous y
attend.
La
première mission d'octobre avait révélé la présence d'une
amanite indéterminée du groupe « phalloides » ou «
marmorata », une espèce qu'il reste à identifier précisément
et qui a très certainement accompagné les plantations d'eucalyptus
originaires d'Australie. Ceci n'est pas très surprenant… car
nombre d'espèces de champignons ont ainsi traversé le monde et
trouvé de nouvelles terres d'accueil, inoculées ou « cachées »
sous forme de mycelium dans les mottes de terre des arbres
introduits (eucalyptus, pins...). Mais la surprise de taille… a été d'apprendre que les locaux mangeaient cette amanite… qui est considérée comme
mortelle !
Comestible,
l'amanite?
Jean-Marie nous a trouvé un habitant, Damascène, qui nous guidera pour retrouver cette amanite. L'objectif : en récolter de grandes quantités pour faire une analyse génétique et toxicologique pour préciser le taxon et confirmer ou pas la présence de substances mortelles. Pendant ce temps, Assoumpta reste au village pour interroger des familles sur la manière dont ils préparent ce champignon.
Jean-Marie nous a trouvé un habitant, Damascène, qui nous guidera pour retrouver cette amanite. L'objectif : en récolter de grandes quantités pour faire une analyse génétique et toxicologique pour préciser le taxon et confirmer ou pas la présence de substances mortelles. Pendant ce temps, Assoumpta reste au village pour interroger des familles sur la manière dont ils préparent ce champignon.
"Cette
amanite se mérite", précise Jérôme Degreef, responsable scientifique de la mission. Il nous faut en effet grimper
au sommet de la colline pour trouver les lieux où poussent les fameux champignons à volve. Après trois heures de recherches, quelques champignons d'autres groupes se
montrent, comme de superbes lépiotes… mais point d'amanites, alors
qu'elles étaient très abondantes en octobre. La déception se lit
sur le visage de Jérôme… lorsque, finalement, Damascène nous dirige vers une parcelle où il croit en avoir trouvé. « C'est bien cà ! »
s'exclame Jérôme et, il n'en faut pas plus pour qu'elle soit
photographiée, répertoriée et emportée pour la collection.
Après quelques
dizaines de minutes, nous en trouverons encore trois autres, à
différents états de maturité (voir photo), malheureusement une quantité largement
insuffisante pour espérer faire une analyse toxicologique. Nous en
profitons pour demander au guide s'il les mange et comment il les
prépare. La réponse est positive mais il retire la peau qui
recouvre le chapeau avant de cuire le champignon dans l'eau, ce que
nous confirmera également Assoumpta, avec les témoignages de femmes
du village.
Assoumpta recueille les témoignages des femmes |
Demain,
nous reviendrons pour poursuivre les récoltes. Mais vu la faible
abondance et afin de mettre toutes les chances de notre côté, nous
avons demandé à notre guide local et aux enfants du village de nous en
récolter. Le résultat sera-t-il au rendez-vous ? Surprise, vendredi...
jeudi 16 avril 2015
En route vers Nyungwe
En route vers Nyungwe et Bweyeye |
Après
une première journée
à Kigali
consacrée aux derniers préparatifs de la mission, il aura fallu pas
moins de 12 heures
de route et de
mauvaises pistes
soumises à la saison des
pluies –
et leurs lots de surprises... - pour
rejoindre le sud-ouest du Rwanda.
Une première mission attend les
scientifiques Jérôme et Assoumpta
dans la zone tampon du Parc National de Nyungwe : résoudre le
mystère de l'amanite de Bweyeye…
À
suivre...
vendredi 10 avril 2015
Mission "Rwanda Fungi 2015"
Du 13 avril au 4 mai 2015, le Jardin botanique Meise (Belgique) mènera une mission scientifique au Rwanda afin d’inventorier les populations de champignons comestibles des forêts de montagne dans plusieurs parcs naturels et forestiers : Parc National des Volcans, Forêt de Gishwati, Forêt de Nyungwe. Une mission exploratoire menée en novembre 2014 avait déjà permis d’identifier un certain nombre d’espèces sur le terrain.
Ce projet original combine la recherche fondamentale et la recherche appliquée. Il comporte aussi des développements économiques immédiats et durables en créant des activités génératrices de revenus pour les communautés locales et les opérateurs commerciaux.
La communication du projet sera réalisée via ce blog et une page Facebook qui détailleront les différentes facettes et étapes du projet. Ils seront utilisés également comme « carnet de mission » pour faire écho du travail effectué durant les trois semaines de mission (durant la mission si les moyens de communication sur place le permettent, sinon après). À la fin du projet (fin 2015 – début 2016 ) un reportage audio-visuel est également prévu.
Parmi les champignons comestibles, des souches locales d’espèces
saprotrophes présentant un haut potentiel pour la culture et la
commercialisation seront récoltées et ensuite mises en culture par Kigali Farms, une entreprise qui
combine un but lucratif et une vocation sociale.
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