dimanche 3 mai 2015

La ferme aux champignons

Laurent Demuynck, directeur de Kigali Farms
La partie scientifique de la mission touche à sa fin. Le moment est venu de transférer chez Kigali Farms les boites de Petri contenant les souches inoculées des champignons comestibles (voir « sporée et inoculation »). C'est à partir de ces souches sauvages que Kigali Farms réalise en grandeur nature les tests de mise en culture et de développement des souches jusqu'à la production de champignons.



Nous avons rendez-vous à Kigali avec Laurent Demuynck, le fondateur-directeur de l'entreprise. Il nous présente les missions de son entreprise et son implication dans le projet : « Kigali Farms est une entreprise sociale qui a démarré au Rwanda en 2010 dans l'idée d'apporter une solution business au problème de la malnutrition. Nous nous consacrons aux champignons car ils ont de grandes qualités nutritionnelles et avons un intérêt particulier pour les espèces sauvages comestibles qui n'ont jamais été étudiées au Rwanda. Notre ambition est de trouver la « perle rare » des forêts rwandaises que la population locale consomme et de transformer le Rwanda en centre d'excellence pour l'exploitation des champignons dans toute la région. »



Direction ensuite le centre de production de Byumba où nous sommes accueillis par Ariane Mukeshimana (Manager of Production and Quality) et Pélagie Nyirandikumana (Byumba Farm Manager) qui nous font découvrir les différentes étapes de production à partir des souches sauvages récoltées par nos mycologues. Suivez le guide...



Première étape : multiplication du mycélium

Un fragment de mycélium des souches sauvages est prélevé et transféré dans une nouvelle boite de Petri contenant de l'agar-agar et un milieu de culture approprié. Ce travail se fait dans des conditions stériles et selon un protocole précis. Le mycélium va ainsi pouvoir se développer.




Deuxième étape : production du « blanc de champignon »

Un fragment d'agar et de mycelium est transféré de la boite de Petri dans un milieu à base de céréales moulues. Le mycélium y poursuit son développement pour aboutir à ce qu'on appelle « le blanc ».



Troisième étape : inoculation du « blanc » dans des sacs de culture

Le « blanc » est ensuite inoculé dans des sacs (appelés « tubes » dans le jargon de l'entreprise) préalablement pasteurisés. Ces tubes sont composés de brisures de coton, de son de blé et de chaux éteinte. Ce nouveau milieu est à la fois favorable au développement du mycélium et à la fructification du champignon.




Quatrième étape : les tubes sont mis en incubation

 Les tubes inoculés sont entreposés à l'obscurité dans des chambres d'incubation en attendant de les faire fructifier (l'obscurité empêche la fructification du mycélium).



Cinquième étape : les tubes sont enterrés
Les tubes sont enfin transférés dans des bacs de fructification contenant de la terre en maintenant une humidité constante de 95 % et une température de 18-22°C. Ces tubes fructifient et produisent des champignons (ici, de classiques pleurotes de culture).

A l'heure où nous écrivons ces lignes, il est trop tôt pour obtenir et présenter des résultats à partir de nos souches sauvages. A suivre...

samedi 2 mai 2015

Au camp de base


La récolte des champignons comestibles dans les forêts de montagne n'est que la première étape du travail de nos mycologues. De retour au « camp de base », la journée est loin d'être terminée…



Chaque échantillon récolté comporte généralement plusieurs champignons issus du même mycélium. On y associe un numéro, une fiche descriptive, des photos prises sur le terrain et une « photo technique ». Ensuite, chaque échantillon subit plusieurs traitements avec trois finalités :

1. Sporée et inoculation
Sporée
Inoculation
Le chapeau d'un exemplaire est posé sur un support afin de recueillir les spores. C'est ce qu'on appelle « faire une sporée » dans le jargon mycologique. Le lendemain, des spores sont récoltées et inoculées dans une boite de Petri contenant un milieu de culture (agar-agar). Après quelques jours, du mycélium se sera développé dans la boite de Petri et sera mis ultérieurement en culture chez Kigali Farms.



2. Souches vivantes et échantillons d'ADN
Fragment de champignon dans un tube pour analyse ADN
Un fragment de quelques mm³ de l'échantillon est déposé dans un petit tube contenant du CTAB, une substance qui bloque la dégradation de l'ADN des cellules. Une fois de retour en Belgique, les tubes vont enrichir les collections de matériel génétique du Jardin botanique Meise tandis que les souches vivantes iront à la « mycothèque » de l'UCL, une collection fédérale de quelque 30000 souches vivantes de champignons provenant du monde entier. Ces souches peuvent ultérieurement  être utilisées pour des cultures et les tubes faire l'objet d'analyses génétiques, par exemple dans le cadre de recherches taxonomiques.



3. Collections du Jardin botanique
Echantillon séché pour les collections
Le reste de l'échantillon sera séché, conservé dans un sachet hermétiquement fermé, et déposé chez RDB avec un double dans les collections du Jardin botanique Meise, accompagné de la fiche descriptive, des photos de terrain, de la photo technique et d'un échantillon de spores issus de la sporée. L'examen des spores sous microscope est souvent une étape nécessaire pour confirmer ou affiner l'identification d'une espèce.



Une journée de mission débutée à l'aube se termine rarement avant 19h00…